L'inexorable progression des Ottomans et les actions militaires.
La conquête des Balkans (1362-1451) puis
l'incorporation dans l'empire (fin XV siècle-début XVI siècle).

L'essentiel de la conquête ottomane des Balkans (sauf le littoral) s'est poursuivit pendant un temps très long, presque cent ans, de 1362 à 1451 à la veille de la chute de Constantinople. Cette conquête s'est déroulée en général en deux phases. La première phase laisse en place le souverain vaincu ou refusant de se battre, le plaçant en position de vassal de l'empire ottoman. Elle se situe pour l'essentiel pendant le XIV siècle, entre les années 1362 et 1394. La deuxième phase, principalement au XV siècle, se caractérise par la disparition du souverain "local" et la transformation des terres conquises ou sous "influence" en provinces de l'empire. Le littoral adriatique, essentiel pour le commerce, a été conquis sur Venise de la chute de Constantinople au début du XVI siècle (Rappel: l'installation des émigrants slaves à San Felice date du tout début du XVI siècle).

Voici un résumé chronologique des faits:
Le début de l'invasion (1354) || Murad I (1361-1389) || Bayezid I  (1389-1402) || Mehmed I (1413-1421) || Murad II (1421-1444) || Mehmed II (1444-1481)
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L'entrée des Ottomans en Europe (1354): quand les disputes de deux larrons profitent à un troisième...
En 1346, les problèmes de Byzance affecte la tête de l'empire sous la forme d'une rivalité entre les Cantacuzènes et les Paléologues. Les premiers demandent l'aide des troupes ottomanes pour combattre les seconds. Cette force armée remplie son contrat et repasse le Bosphore après avoir installé les Cantacuzènes à la tête de l'empire. Mais le même problème se repose en 1352. Cette fois, après avoir de nouveau conforté les Cantacuzènes dans le pouvoir, les troupes ottomanes décident de s'installer en Thrace (1354). Cette fois, les ottomans ont les deux pieds en Europe, qu'ils ne quitteront plus jusqu'à nos jours. L'année 1354 marque le début de l'invasion des ottomans.
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Murad I (1361-1389): Murad est le second fils d'Orkhan. Il prend la succession de son père dans la conquête de la Thrace et y installe des colons turcs après avoir déporté les autochtones. Il établit le symbole le plus éclatant de la volonté d'installation définitive des ottomans du coté occidental du Bosphore: il transfère sa capitale à Andrinople, ancienne cité de l'empire romain.
En Septembre 1371, les troupes serbo-hongroises sont défaites par les ottomans à Cernomen. Cela a pour conséquence que les principautés serbes doivent reconnaître la suzeraineté des ottomans, suivi en 1372 par le basileus Jean V Paléologue  et le tsar bulgare Sisman comme vassaux. Ceci n'est qu'un répit et de nouvelles campagnes militaires ottomanes vont se développer en 1383 en pays bulgare. La force serbe sera brisée le 15 Juin 1389 dans la plaine de Kosovo (Kosovo polje, le champ des merles) bien que cette bataille conduise aussi à la mort de Murad I (voir une carte de l'empire serbe venant de l'encyclopédie Universalis).
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Bayezid I ou la foudre (1389-1402)
Bayezid, le cadet des fils de Murad, prend alors la succession du pouvoir et devient Bayezid I. La Serbie vaincue
à Kosovo doit réaffirmer sa position de vassal (fille du serbe Étienne est donnée au harem du sultan). A Constantinople, le successeur de Jean V est son fils Manuel II qui semble vouloir donner une nouvelle impulsion à la lutte contre le sultan. La réponse est une tentative de blocus de Constantinople pendant l'hiver de 1393.
A partir de cette date, à la domination indirecte par vassalité, commence à succéder l'incorporation (ou la tentative pour Constantinople) des territoires dans l'empire ottoman. Une des explications de cette évolution, qui est bien souvent lourde de conséquences pour les populations locales, est de pouvoir lutter plus efficacement contre la puissance hongroise, seule puissance restante après la chute des serbes et des bulgares (1393). Il ne faut pas oublier toutefois le rêve "d'hégémonie mondiale" que représente la tentation de reconstituer le prestige de l'empire romain sous une forme ottomane cette fois ci.
Le péril ottoman est pris au sérieux par les occidentaux qui envoient une croisade en 1396 mais cela se solde par un échec. Seule la défaite contre des troupes mongols en 1402 et la mort du sultan Bayezid l'année suivante permettra la survie de Constantinople, îlot byzantin parmi une mer ottomane, pendant un demi-siècle supplémentaire.
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Mehmed I (1413-1421)
A la mort de Bayezid, une crise de succession apparait entre ses quatre fils qui durera jusqu'en 1413. Pendant cette crise, l'empire ottoman s'en trouvera affaibli. Ces successions ont toujours été un des points faibles de l'empire. Au fil du temps, la solution radicale a été trouvée: celui qui veut garder le pouvoir se doit de tuer les autres prétendants (ses frères donc!). A ce petit jeu, c'est Mehmed qui en sort vainqueur. De son règne court, on retiendra qu'il restaura malgré tout l'empire dans ses conquêtes antérieures.
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Murad II (1421-1444)
Trente ans de règne de ce sultan vont lui permettre d'être le grand conquérant des Balkans et de briser définitivement l'élan des croisades.
Mais Byzance tiendra toujours malgré un nouveau siège en 1422, qui sera suivi d'un traité en 1424 avec un lourd tribu à payer aux ottomans. Le sultan aura plus de succès en Anatolie qui passe sous sa domination.
De grandes actions sont aussi menées à l'Ouest des Balkans. En effet, si certaines régions se sont déclarées vassal du sultan, elles négocient en secret des alliances avec le roi Sigismond de Hongrie pour s'assurer sa protection. C'est le cas de la Serbie et de l'Albanie qui se retrouvent pris entre deux feux. Les guerres reprennent donc en Serbie en 1428 et se solde encore une fois par le renouvellement de la vassalité au sultan. Par contre, l'Albanie centrale est purement annexée dans les provinces de l'empire. De ces guerres à répétition, de ces retournements d'alliances, se détache un peu la révolte de Georges Kastriote (Skanderberg) en Albanie qui sera le seul à tenir tête aux ottomans de 1443 jusqu'en 1468 à sa mort.
A Byzance, le basileus Jean VIII cherche encore une fois l'aide des monarques d'Europe et tente l'union des églises catholique et orthodoxe. Cette union (1439), réalisée au plus haut niveau, ne rencontrera que le rejet de la population byzantine. Cette dernière ne peut oublier les exactions des latins lors de la croisade de 1204 et se réfugie dans un fanatisme religieux inadaptée aux exigences de la situation militaire. La démarche de Jean VIII se heurtera aussi à l'égoisme et à la duplicité d'européens plus occupés par leurs querelles internes. Dans ce sens, la croisade de 1443-1444 échoua. Ce sera la dernière croisade et sonnera le glas de Constantinople.
A la mort de Murad II en 1451, l'empire ottoman est presque à son apogée. Il est toutefois encore constitué de provinces et d'états vassaux.
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Mehmed II (1444-1481)
En 1444, Murad II abdique en faveur de son fils Mehmed II. La longue agonie de Constantinople va prendre fin après le couronnement du dernier empereur d'Orient Constantin XI Dragasès en 1449. En effet la chute de la cité, abandonnée de l'occident, se produit le 29 Mai 1453. La ville est alors mise à sac pendant 3 jours par les troupes de Mehmed et la cathédrale Sainte-Sophie devient une mosquée. Cette date hautement symbolique est généralement considérée par les historiens comme étant la date charnière entre l'époque médiévale et l'ère moderne.
A cette époque, tous les Balkans se sont pas encore sous domination ottomane. Ainsi l'Albanie résiste encore avec la figure légendaire de Skanderberg mais aussi une partie de la serbie avec Georges Brankovic et Jean Hunyadi de même que la Bosnie, la Croatie et la Dalmatie.
Les conquêtes ottomanes se dirigent de plus en plus vers le littoral adriatique et ceci n'est pas un hasard. En effet, le contrôle des routes maritimes de la Méditerranée constitue un enjeu économique et stratégique immense. Par conséquent, l'affrontement des ottomans avec la puissance maritime qu'est Venise est inéluctable.
En premier lieu, des coups de main militaire sont réalisés en Bosnie et en Croatie dans les années 1461-1463. Venise répond en tentant de reconquérir la Morée (Péloponnèse) en 1463 dans le but de protéger son commerce et ses nombreux comptoirs disséminés sur des îles du pourtour méditerranéen. Mais cela se solde par un échec à Corinthe tandis qu'en 1465 la Bosnie est conquise. L'affaiblissement de Venise se poursuit après la perte de la ville de Négrepont en 1469. La mort de Skanderberg en 1468 va sonner le glas de l'Albanie. En 1474 la citadelle de Croja est prise par les ottomans mais ils échouent devant la ville de Scutari sur le littoral adriatique. Cette dernière tombera malgré tout en 1478.
L'emprise des ottomans sur les balkans est telle que des coups de main sont même organisés par eux jusqu'en Istrie et le Frioul aux portes de Venise. Un traité de paix est finalement signé entre Venise et les ottomans en 1479.
Mehmet II meurt en 1481. Il se sera asuré des débouchés sur le littoral adriatique et aura réussi à fortement entamé le potentiel économique de Venise.
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