Le croate en Italie
xx-xx-xxxx
http://www.uoc.es/euromosaic/web/document/croat/fr/i2/i2.html
Research Centre of Multilingualism
Le croate en Italie
  1. Introduction à la langue
  2. La langue dans le pays où elle est parlée
    1. Données générales sur la communauté linguistique
    2. Description géographique, démographique et linguistique
    3. Histoire générale de la région et de la langue
    4. Statut juridique et politique officielle
  3. Présence et usage de la langue par domaines
    1. Enseignement
    2. Autorités judiciaires
    3. Autorités et services publics
    4. Masse média et technologies de l'information
    5. Production et industries culturelles
    6. Le monde des affaires
    7. Usage familial et social de la langue
    8. Echanges transfrontaliers
  4. Conclusion


1. Introduction à la langue

Cette rubrique ne contient pas de données pour cette langue.

[Retour au sommaire]


2. La langue dans le pays où elle est parlée

2.1. Données générales sur la Communauté linguistique

Cette rubrique ne contient pas de données pour cette langue.

[Retour au sommaire]


2.2. Description géographique, démographique et linguistique

Le croate est parlé dans trois communes d'Italie qui se situent dans la région de la Molise, plus précisément dans la province de Campobasso, à savoir les communes de San Felice del Molise (ou Filisti, en croate), Montemitro (Mundimitar) et Acquaviva Collecroce (Kruc). Les variétés de croate qui y sont parlées correspondent au "croato-stokavo-ikavo" et elles sont aussi connues sous les noms de "slavo", "Na_ Jezik" ou "Na Na_u". Il s'agit de variétés serbo-croates de la famille des langues slaves, écrites au moyen de l'alphabet latin.

Le croate y est parlé par environ 1 700 personnes, aux côtés de l'italien, en plus de l'albanais qui se trouve aussi à être parlé à Montecilfone, une commune avoisinante. On retrouve par ailleurs d'autres locuteurs originaires de ces communes qui ont émigré vers l'Australie, le Brésil, l'Argentine, les Etats-Unis et le Canada. Leur nombre s'élèverait à environ un millier.

La population totale du territoire s'élève à 2 368 citoyens (Recensement de 1991, dont les données ne sont pas encore publiées), un nombre qui se trouve en déclin depuis quelques décennies en raison de l'immigration. En effet, environ 40% de la population née sur le territoire a émigré, surtout au cours des années cinquante et soixante, afin de trouver un emploi ailleurs. Inversement, environ 50% de la population totale actuelle est composée de personnes qui sont immigrées dans la région en provenance d'autres territoires où la langue n'est pas parlée. Celles-ci sont venues s'établir dans la région croatophone du fait qu'elles pouvaient y faire l'acquisition de terrains pouvant servir à l'agriculture. Cette immigration s'est effectuée en deux étapes importantes qui se situent dans les années 1820-1830 pour les communes de Molise et dans les années 1920-1930 pour San Felice del Molise, tandis que la commune d'Acquaviva n'a pas connu d'immigration significative. En général, les immigrés parlent l'italien, mais aussi les dialectes "molisano" et "abruzzese".

La totalité de la population réside dans des zones rurales, tandis que les familles des anciens immigrés de l'Abruzzo vivent dans la banlieue de San Felice. Selon notre correspondant, environ 90% de la population possède la langue croate comme première langue apprise, et environ 80% l'utilisent sur une base quotidienne. Au cours des vingt ou trente dernières années, la proportion des habitants d'Acquaviva et de Montemitro qui se sert de la langue croate est passée de 100% à 90%, tandis que celle de San Felice passait de 90% à 60%.

Les croatophones ont connu un déclin important si l'on en juge par la diminution de la population des trois communes concernées : entre 1911 et 1993, la population d'Acquaviva est passée de 2 243 à 898, celle de San Felice del Molise de 1 641 à 901 et celle de Montemitro de 1 017 à 496. Ces chiffres sont par ailleurs surévalués puisque plusieurs familles inscrites dans ces trois communes sont immigrées dans d'autres pays d'Europe et ne résident dans la région en réalité que pendant les vacances.

L'économie du territoire est surtout basée sur l'agriculture, avec environ 85% de la population active qui se consacre à la viticulture et à la culture des olives, des céréales, etc., 10% qui travaille dans le secteur de l'industrie et de la construction, et 5% qui est employée dans les services. En général, on peut dire que le niveau de vie des résidants de la région est assez bon si on le compare à celui du reste de l'Italie, bien qu'il n'existe pas d'étude récente sur l'économie du territoire. A San Felice, la création d'une coopérative agricole a favorisé le développement économique en plus d'avoir connu un impact positif sur la promotion de l'usage de la langue croate.

[Retour au sommaire]


2.3. Histoire générale de la région et de la langue

Plus petite communauté alloglotte d'Italie, la communauté croatophone a survécu dans les trois communes de San Felice, Acquaviva et Montemitro grâce à son éloignement des grandes voies de communication jusqu'à tout récemment.

L'époque à laquelle remonte son établissement dans la région a fait l'objet d'hypothèses variées, certains la situant au XIIIe siècle (Tria 1744; Magliano 1895), d'autres, sur la base d'arguments historiques et linguistiques, au XVIe siècle (Re_etar 1911; Ucchino 1957). Même la région de provenance de ces populations est incertaine, mais la majeure partie des chercheurs prétend qu'elles proviennent de l'Istrie. D'après Ivic (1958), les Slaves de Molise seraient venus de la Herzégovine il y a 500 ans afin d'échapper aux pressions des Turcs.

Il fut une époque où les colonies croates de l'Italie méridionale étaient plus nombreuses, si l'on en juge par les traces qui demeurent dans la toponymie et dans quelques éléments lexicaux. La population croate, bien que peu nombreuse, demeure très attachée à sa langue et à ses traditions. Toutefois, à la différence de la culture arbëreshe par exemple, la culture croate a présenté une capacité de survie moindre, en raison notamment de l'absence d'une structure religieuse et ecclésiastique distincte. Ainsi, l'usage de la langue se limite essentiellement à l'univers familial.

La seule initiative de promotion directe du croate qui existe actuellement consiste en l'offre de cours facultatifs à l'école primaire de San Felice. Après avoir refusé d'autoriser ces cours, l'administration a finalement consenti à les considérer à titre expérimental.

Selon notre correspondant, l'absence de conflit linguistique au cours des vingt dernières années s'explique en partie par l'apathie de la population qui considère généralement la connaissance de l'italien comme plus importante que celle du croate. Quant aux intellectuels, ceux-ci seraient divisés, les uns désirant donner au croate local un système d'alphabet propre et épuré des italianismes, les autres favorisant l'adoption de l'alphabet du croate standard.

Aujourd'hui le maintien du croate est favorisé par des liens plus étroits avec la Croatie. Les Croates de la Molise peuvent suivre des cours de langue à Zagreb, où même y étudier à l'université. De plus, plusieurs visites ont été effectuées en Molise par des diplomates et des évêques de la Croatie.

La Communauté européenne a par ailleurs contribué à l'impression d'un ouvrage de lecture en langue croate intitulé "Ko Jesmo...".

[Retour au sommaire]


2.4. Statut juridique et politique officielle

Contrairement aux germanophones du Tyrol du Sud ou aux franco-provençaux du Val d'Aoste, les Croates de la Molise ne jouissent d'aucun statut juridique particulier en Italie, qu'il s'agisse d'un Statut spécial ou d'un Statut d'autonomie.

L'article 6 de la Constitution italienne prévoit que la République protège les minorités linguistiques au moyen de normes appropriées, mais en réalité, l'Etat italien ne reconnaît pas les langues et cultures minoritaires et le seul soutien que la langue croate obtient lui vient de l'administration régionale et locale. D'après la constitution, il revient aux trois communes de prévoir la protection de la langue dans leurs propres statuts. Si la langue croate ne jouit pas d'un statut particulier dans les institutions centrales de l'Etat, un projet de loi cadre (no 612) devait rendre opérationnel l'article 6 de la constitution. Cette loi cadre prévoyait notamment l'enseignement facultatif du croate. Toutefois, la loi cadre n'a pas encore été adoptée.

[Retour au sommaire]


3. Présence et usage du croate par domaine

3.1. Enseignement

En attendant la loi cadre, il n'y a pas de législation qui régisse l'emploi du croate dans l'éducation. A Acquaviva, on essaie d'introduire des cours en croate à l'école par le biais d'un nouveau statut communal (Breu 1992).

Il n'existe aucune forme d'enseignement de la culture et de l'histoire croates et aucune mesure à cet effet n'a été prise par l'Etat. De même, l'Etat n'a pas mis en place d'organisme d'inspection ou de contrôle visant l'enseignement de la langue croate.

L'enseignement de la langue ou dans la langue croate n'est assuré nulle part en Italie.

Education préscolaire et primaire

Il n'y a pas du tout usage du croate dans les centres de l'éducation préscolaire. A l'école primaire, il n'y a pas non plus d'usage du croate, mais des cours facultatifs sont offerts en vue d'apprendre à lire et à écrire dans la langue.

Education secondaire et professionnelle

Il n'y a aucun usage du croate dans l'enseignement secondaire, ni dans la formation professionnelle et technique.

Enseignement supérieur

On ne fait aucun usage du croate dans l'enseignement supérieur.

Formation des adultes

Il n'y a pas d'usage du croate dans la formation continue pour les adultes.

Formation des enseignants

Il n'existe aucun programme de formation des enseignants en langue croate. D'après notre correspondant, il serait indispensable de commencer dès maintenant à préparer les enseignants dans la langue compte tenu de l'adoption éventuelle de la loi cadre qui en permettrait l'enseignement.

[Retour au sommaire]


3.2. Autorités judiciaires

Il n'y a pas de tribunaux dans le territoire et il ne semble pas y avoir de précédents dans l'usage du croate devant les tribunaux.

[Top of page]


3.3. Autorités et services publics

Le croate n'est pas utilisé par les autorités du gouvernement central, ni par celles de l'administration régionale. Le gouvernement italien ne prend aucune mesure pour que le croate soit utilisé dans les offres de service, dans les requêtes des citoyens ou dans ses réponses à de telles requêtes. Il ne garantit pas non plus que le recrutement et la formation des fonctionnaires comporte un apprentissage de la langue croate.

Dans les services de l'administration locale, l'italien sert de langue officielle, mais si le citoyen ne parle que le croate, l'administration se sert de cette langue pour communiquer avec lui. Le croate est davantage utilisé à Acquaviva et à Montemitro qu'à San Felice. Les autorités locales ne publient jamais leurs documents en croate, mais elles l'utilisent parfois dans les débats de leurs assemblées. Son utilisation demeure restreinte par le manque de connaissance de la langue par les employés de l'administration.

L'ensemble des services publics n'ont recours qu'à la seule langue italienne, qu'il s'agisse de quittances et de factures de téléphone, des bottins téléphoniques, des indications à l'hôpital, des factures d'électricité, des indications au bureau de poste ou des indications au commissariat de police. Bien que le croate ne soit jamais utilisé dans les services, il n'existe pas de pressions populaires afin de modifier la situation.

En matière de toponymie, le gouvernement italien utilise et adopte dans une certaine mesure les noms de lieu traditionnels dans leur forme correcte. De même, il permet en grande mesure l'usage des prénoms et des noms de famille croates.

L'affichage public et la signalisation se font en italien et en croate sur la porte des conseils municipaux, sur les panneaux routiers indiquant les noms des communes, les panneaux indiquant les écoles et les piscines publiques locales. Par contre, l'affichage dans les commerces se fait généralement dans la seule langue italienne. Au cours des dernières années, la population s'est sensibilisée par rapport à la situation du croate, mais la pression populaire n'est pas très grande; on observe tout simplement un sentiment positif auprès de la population.

Il n'existe pas de services de traduction ou de terminologie.

[Retour au sommaire]


3.4. Mass médias et technologies de l'information

Presse quotidienne

Il n'y a pas de journaux en langue croate.

Périodiques

Dans le passé (1967-1970), il y a eu trois périodiques publiés en partie en langue croate : Na_a Ric, Na_ Jezik et Na_ Zivot. En outre, un périodique intitulé Modre Lastavice est publié par l'école primaire de San Felice, dont la diffusion se limite cependant à cette école.

Radio

Il n'y a pas de station de radio qui diffuse en langue croate.

Télévision

Il n'y a pas de station de télévision qui diffuse en langue croate. Par contre, depuis quelques années, il est possible de capter des émission de la télévision de Croatie transmises par satellite.

Informatique

L'emploi de la langue croate dans l'informatique, qu'il s'agisse d'applications individuelles ou de bureau, pose des problèmes au niveau des claviers et des imprimantes, en particulier en rapport avec les lettres cC__zZ. Pour l'instant, il n'y a pas de solutions en vue. Il n'existe par ailleurs aucun logiciel en langue croate.

[Retour au sommaire]


3.5. Production et industries culturelles

Sur le plan littéraire, un seul livre a été publié récemment, à savoir en 1990. Dans le domaine de la musique populaire et moderne, du théâtre, du cinéma, ou des festivals culturels, on ne rencontre nulle part l'usage du croate. Des fêtes du printemps sont célébrées à Acquaviva (la fête de Maja), ou dans l'ensemble de la région (la fête Pagliera, le 1er mai), cette dernière étant plutôt organisée à l'intention des touristes.

Selon notre correspondant, il n'existe pas de politique culturelle au niveau national, ni aux niveaux régional ou local. Toutefois, le gouvernement fournit des équipements appropriés aux rares activités culturelles mentionnées précédemment.

Quelques associations et mouvements se portent à la défense de la langue et des traditions culturelles, avec notamment l'Associazione Culturale qui vise le maintien de la langue et Pro-Loco qui s'efforce de revitaliser les traditions du passé.

[Retour au sommaire]


3.6. Le monde des affaires

La connaissance du croate ne constitue pas une condition pour l'obtention d'un emploi dans la région. Néanmoins, il demeure plus facile pour un croatophone d'obtenir un emploi, s'il est bilingue.

Le croate n'est pas utilisé en publicité. Par ailleurs, dans le domaine de l'étiquetage et des modes d'emploi, bien qu'aucune restriction légale ne restreigne l'usage de cette langue, notre correspondant n'a jamais vu d'étiquettes en croate. Aucune mesure gouvernementale n'a jamais été prise en vue de la promotion ou de la limitation de l'usage du croate dans les activités économiques et sociales. Quant aux autorités régionales, seules les communes favorisent la connaissance et le maintien de la langue et de la culture minoritaire par le biais de leurs statuts.

[Retour au sommaire]


3.7. Usage familial et social de la langue

Presque tous les parents s'adressent à leurs enfants en croate. Aujourd'hui, le croate est un peu moins utilisé que dans le passé parce que les parents considèrent cette langue comme peu utile pour la vie professionnelle. Mais on ne considère pas pour autant le croate comme négatif. Au contraire, on considère qu'il est plutôt normal qu'on le parle.

Les jeunes des communes croatophones qui nouent des relations entre eux se servent de l'italien et du croate à cette fin. Les mariages endogames concernent entre 50 et 80% des jeunes, avec des variations d'un endroit à l'autre. Ainsi, le pourcentage est plus élevé dans les communes d'Acquaviva et de Montemitro que de San Felice, où l'influence des personnes qui ne connaissent pas le croate est plus forte. Il ne semble pas que la proportion des mariages endogames se soit modifiée depuis les années cinquante, même si le nombre absolu de mariages a diminué. Dans le passé, les hommes ont eu l'habitude de s'assimiler plus vite que les femmes. Aujourd'hui, il ne semble plus y avoir de différences entre les sexes en ce qui concerne l'usage de la langue. De même, il n'y a pas de différences entre la langue utilisée par les parents pour s'adresser aux garçons et aux filles.

Du côté religion, environ 90% des locuteurs croates assistent régulièrement aux services religieux et environ 30% des membres du clergé parlent le croate. Il est très rare cependant que des services religieux soient célébrés en croate et on ne dispose pas de versions croates des principaux ouvrages religieux (Ancien Testament, Nouveau Testament, livres de prières). Pour ce qui est des célébrations religieuses, tel que les mariages et enterrements, celles-ci sont toujours chantées en italien. En fait, l'Eglise n'a jamais favorisé le maintien du croate.

En matière d'attitudes, il n'y a pas de connotations sociales notables, tant positives que négatives, rattachées à l'usage de la langue. Beaucoup de locuteurs pensent que le croate aura disparu dans une génération parce qu'ils ne reconnaissent pas la valeur culturelle de la langue. La connaissance du croate est perçue comme assez utile par les locuteurs du croate, tandis qu'elle est perçue comme peu utile pour les italophones. Selon notre correspondant, l'avenir du croate ne pourra être assuré que si on le considère comme un moyen de communication utile et si on le reconnaît dans l'administration officielle. En général, les gens pensent que les nouvelles générations parlent moins bien le croate que la génération de leurs parents et qu'ils sont moins nombreux à le parler. Quant aux jeunes qui ne possèdent pas le croate pour langue première, notre correspondant indique qu'un certain nombre l'apprend tout de même formellement ou informellement.

[Retour au sommaire]


3.8. Echanges transfrontaliers

Le croate n'est pas parlé dans les autres Etats membres de l'Union européenne, sinon par des communautés immigrées en Belgique, en France et en Allemagne. Il est parlé en outre en Croatie, en Slovénie, en Bosnie et dans l'ex-Yougoslavie. Pour l'instant, il ne semble pas y avoir d'échanges transnationaux organisés sur une base institutionnelle (sauf d'échanges avec l'Autriche).

[Retour au sommaire]


4. Conclusion

En somme, la minorité croate d'Italie est la plus petite communauté alloglotte du pays à côté de la minorité francoprovençale. Sa seule protection institutionnelle repose sur l'article 6 de la constitution et sur les statuts des trois communes dans lesquelles elle se concentre.

[Retour au sommaire]

©Euromosaic